
Allaitement à la demande: déjouer les préjugés et le mettre en place
- jeu 26 janvier 2023

Si vous avez choisi d’allaiter durant votre Mois d’Or et durant votre postpartum, vous avez probablement reçu des remarques sur des tétées “trop” fréquentes ou qui ne seraient “pas assez nourrissantes”.
Je vous propose un petit point sur l’allaitement dit “à la demande” afin de comprendre les processus à l’œuvre, mais aussi, pour comprendre d’où viennent les préjugés derrière ces remarques.
Lors de sa venue au monde, le nouveau-né passe instantanément d’un univers humide, chaud et lisse à un environnement très différent dans lequel il n’a aucun repère.
Le peau à peau avec la maman, pratiqué aujourd’hui dès les touts premiers instants de la naissance, permet de soulager le stress qu’il peut éprouver mais il joue aussi un autre rôle essentiel.
Dans la rencontre sensorielle avec le corps de sa mère, le bébé entame son chemin vers la nourriture.
Un parcours pour la survie inscrit en lui depuis des millions d’années, mais dont il ne sait encore rien. Avec la recherche du sein pour s’alimenter, s’ouvre, pour l’enfant et sa maman, un chapitre de leur découverte mutuelle que l’allaitement à la demande participe à écrire. Pleurs, besoins et signes de faim, stimulation sensorielle, mise au sein, rôle du parent non allaitant… que recouvre l’allaitement à la demande ?
L’allaitement à la demande se distingue d’un allaitement qui serait programmé (par l’adulte). Pour comprendre cette idée et, par contraste, celle d’un allaitement « demandé » (par l’enfant), il faut remonter dans le temps.
Les premiers pas de la puériculture autour du 18ème siècle dans les hospices d’enfants abandonnés et le développement des métiers de soins au bébé à partir des années 1950 se sont déroulés dans un contexte de séparation mère-bébé. Les soins étaient pratiqués en série dans une vision cadencée et hygiéniste, laissant peu de place à l’observation et aux interactions. A cette époque, l’alimentation des nouveaux-nés reposait sur des horaires précis au sein des maternités, notamment grâce à l’apparition du biberon, stérilisable. Les choses sont bien différentes aujourd’hui. S’il y a encore 30 ou 40 ans, le bébé tout juste né était emmené rapidement pour les premiers soins, pleurant durant plusieurs dizaines de minutes pour finalement revenir à sa mère, trop fatigué pour téter, le contact prolongé avec la maman est désormais privilégié.
De nos jours, une attention particulière est accordée aux émotions et à la nourriture alimentaire autant qu’affective du tout petit, si essentielle à son développement. A une femme qui souhaite allaiter, on parlera ainsi d’allaitement « à la demande » qui s’appuie sur cette idée de connexion mère-bébé et sur l’importance de respecter les rythmes et les besoins du bébé. L’allaitement à la demande repose, en outre, sur une donnée biologique : la montée de lait dépend de l’hormone prolactine, corrélée à la production d’ocytocine, une autre hormone elle-même libérée sous l’effet du contact physique et de la tendresse entre une maman et son nourrisson
Comme son nom l’indique, l’allaitement à la demande correspond à une mise au sein uniquement lorsque bébé le réclame. Comme son nom ne l’indique pas, ces signaux de demande sont variés et parfois difficiles à décrypter.
Pour Ingrid Bayot, sage-femme, autrice du livre Le quatrième trimestre, et formatrice Le Mois d’Or: « l’expression ‘allaitement à la demande’ crée beaucoup de confusion et d’attentes non réalistes. Quand il arrive, le bébé n’a jamais vu un sein de sa vie. Comment peut-il demander ce que lui-même ignore ? Et comment savoir s’il demande parce qu’il a faim ou pour autre chose ?».
En effet, pour exprimer son besoin de lait, un nourrisson ne se contente pas de pleurer. Un panel de mouvements, expressions ou colorations du visage permettent de détecter ses besoins et son appétit. Ces signes sont communs avec un autre besoin : le besoin de succion, qui n’a pas de visée nutritive mais de sécurisation. On parle de « tétée de confort ». Chez les générations de mères d’aujourd’hui, il est courant de souhaiter s’affranchir des héritages historiques et culturels et sortir définitivement de l’image du bébé « tube digestif » à remplir à heures fixes. C’est heureux. Pour autant, si les mères actuelles aspirent à un allaitement naturel, qui prenne le temps de s’adapter à la demande de leur enfant, cela ne va pas sans quelques apprentissages mutuels.
Pour comprendre et répondre aux demandes du tout petit bébé, il faut avoir en tête qu’entre la grossesse et les premiers jours de sa vie, un bébé reste le même.
En passant de l’intérieur à l’extérieur, son milieu change mais pas lui. Ingrid Bayot, formatrice en périnatalité au sein du programme de formation du Mois d’Or, parle de Continuité Sensorielle Transnatale pour décrire cette phase transitoire d’adaptation qui désarçonne les parents mais qui demeure tout à fait normale:
« Le défi de tous les nouveaux nés mammifères depuis 230 millions d’années est de passer d’une nutrition ombilicale passive à une nutrition orale participative », nous dit elle.
Au début, endormi la plupart du temps, il refait les mêmes gestes que dans sa vie intra-utérine lorsqu’il se nourrissait du liquide amniotique : le rapprochement main-bouche, la succion-déglutition ou lorsqu’il tète son pouce. « Ces signes montrent qu’il est prêt à téter, souligne la spécialiste. N’attendez pas de tragédie grecque ! » lance-t-elle pour inviter les parents à sortir de l’écueil : une vraie demande implique des pleurs.
Le portage de bébé à proximité du sein dont le mamelon libère des phéromones, la chaleur corporelle, la voix, le regard de sa maman créent les meilleures conditions pour démarrer l’allaitement. S’opère alors chez le bébé un « arrimage » entre ses cycles neurologiques et alimentaires et le cycle de la mémorisation qui lui permettra de renouveler sa demande, retrouver le sein et facilitera la réponse de sa mère, si elle souhaite poursuivre l’allaitement.
« Le peau à peau avec le papa ou le deuxième parent non allaitant nourrit le bébé en présence, en chaleur, en stimulation sensorielle et initie, lui aussi, la lactation » ajoute Ingrid Bayot car le bébé possède des compétences innées destinées à sa survie, qui s’activent lorsqu’il est en proximité continue avec ses parents.
A-t-elle faim ? Elle a bu il y a une heure… a-t-elle seulement besoin d’être prise dans les bras ? De changer sa couche ? Si je lui redonne, va-t-elle prendre de mauvaises habitudes ?
Les doutes de la mère et des parents dans les premiers moments de l’allaitement sont communs. La pratique du Mois d’Or, en créant des cercles vertueux à travers le peau à peau, en favorisant une atmosphère chaleureuse, mais aussi en anticipant l’organisation future du postpartum, permet de dégager un temps précieux. Un temps nécessaire pour trouver son équilibre dans l’allaitement à la demande.
Décrypter les pleurs de faim, de fatigue, de change ou du soir, identifier le matériel pour l’allaitement, les meilleures positions, la question de l’alternance des seins, les solutions naturelles contre les douleurs, l’alimentation favorisant la production de lait ou encore la récupération après l’accouchement… cela demande du temps et de l’adaptation. Du temps dont on ne dispose pas si on manque de soutien et d’organisation, que l’on doit par exemple faire face au même quotidien qu’avant la naissance.
Voici mon petit topo sur l’allaitement à la demande enrichie des apports d’Ingrid Bayot !
Sachez qu’il n’existe aucune contre-indication à l’allaitement à la demande. Ces conseils éclairés s’adressent à toutes les mères et aux professionnels. Ils visent d’abord et avant tout leur bien-être et s’adaptent à leur libre choix, qu’elles souhaitent nourrir leur enfant au sein ou au biberon.
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